Bonjour Jean,

Bien sûr que je me souviens de St Agrève.

Aprés le bac, je n’avais toujours pas trouvé de réponses à la fameuse question : »que veux-tu faire plus tard ? ». Je suis donc rentré à l’ESSA.

Tout marchait pour le mieux, je veux dire du point de vue de mes résultats. Et puis un jour ce fut la révélation : je veux devenir chasseur chez les Inuit. En fait tout ce qui touchait l’Aventure en pleine nature m’attirait de plus en plus, mais le domaine est grand. Mon choix tomba sur les régions polaires.

Tout le monde a tout fait pour me dissuader( ce qui était compréhensible, et raisonnable), mais dans mon esprit, il n’y avait aucun doute.

Après avoir bien chercher dans quelle région chez les inuit je voulais aller, j’ai finalement choisi la côte Est du Groenland.

Ensuite j’ai vécu mille et une aventures, mon rêve à fond, comme on dit. Pendant 10 ans j’ai vécu de ma chasse et de ma pêche dans un univers de montagnes , de neige et de glace, parmi les Inuits sans lesquels je n’aurais rien pu faire.

Ensuite, mon rêve accompli, j’ai eu envie de faire partager mes expèriences et ma connaissance du terrain et des Inuits à d’autres personnes de l’extérieur. Et "les touristes" comme on dit, ont continué à m’apprendre beaucoup sur la vie en Europe ou ailleurs, et même sur ma région.

Quand on vit dans un pays, on ne peut rester neutre, s’il éxiste des problèmes graves, surtout si on a des enfants. J’ai repensé à l’enseignement que j’avais eu en France, et à l’enseignement proposé aux enfants de mon village, et j’ai eu peur.

En effet, le Groenland a eu une évolution ultra rapide. Surtout ici. Il y a 100 ans,ici, les Inuits de la côte Est habitaient dans des maisons en tourbes, et chassaient en kayak en peau de phoque.
Maintenant on est déjà à l’époque Internet. Certe, nous n’avons pas d’eau courante dans les maisons du village, mais à part cela, il y a tout (ou presque) maintenant. Bilan de cette évolution ultra rapide : il manque 400 instit. au Groenland, et pour palier ce manque, le Groenland fait appel aux Danois, qui ne parlent pas la langue d’ici ( cela n’empêche pas qu’ils soient des gens très
gentils mais cela ne suffit pas). Alors dans les villages, c’est monsieur ou madame tout le monde qui se tranforme en instit., même si la personne n’a pas le moindre diplôme.

Dans notre monde moderne, l’ignorance est trés lourde à porter. C’est un peu pour tout cela que je me suis lancé dans cette formation pour devenir instit, et puis aussi, j’ai toujours penser que c’était un trés beau métier. L’enseignement est un monde que je découvre petit à petit, c’est un monde compliqué mais passionnant.

Mon frère depuis deux ans est avec moi, et cette vie à l’extèrieur lui plait beaucoup. Maintenant, c’est lui qui est sur le terrain.

Je ne pense pas revenir en France de si peu, j’ai tellement de choses à faire ici. La France est un beau pays, c’est là bas que sont mes racines, j’y repasserai donc forcément de temps en temps.

Bien amicalement à toi.

Max Audibert
Tiniteqilaaq
3913 Tasiilaq